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Italie 2025  flânerie poétique

Un choix de poèmes de Victor Hugo et une sélection de photos de voyage en Italie

Stella

Je m'étais endormi la nuit près de la grève.
Un vent frais m'éveilla, je sortis de mon rêve,

J'ouvris les yeux, je vis l'étoile du matin.
Elle resplendissait au fond du ciel lointain
Dans une blancheur molle, infinie et charmante.

Aquilon s'enfuyait emportant la tourmente.

L'astre éclatant changeait la nuée en duvet.

C'était une clarté qui pensait, qui vivait ;
Elle apaisait l'écueil où la vague déferle ;
On croyait voir une âme à travers une perle. (...) 


Elle était déchaussée...

Elle était déchaussée, elle était décoiffée,
Assise, les pieds nus, parmi les joncs penchants ;

Moi qui passais par là, je crus voir une fée,
Et je lui dis : Veux-tu t'en venir dans les champs ?

Elle me regarda de ce regard suprême
Qui reste à la beauté quand nous en triomphons,

Et je lui dis : Veux-tu, c'est le mois où l'on aime,

Veux-tu nous en aller sous les arbres profonds ?

Elle essuya ses pieds à l'herbe de la rive ;
Elle me regarda pour la seconde fois,
Et la belle folâtre alors devint pensive.
Oh ! comme les oiseaux chantaient au fond des bois !

Comme l'eau caressait doucement le rivage !
Je vis venir à moi, dans les grands roseaux verts,

La belle fille heureuse, effarée et sauvage,
Ses cheveux dans ses yeux, et riant au travers.

Elle avait pris ce pli...

Elle avait pris ce pli dans son âge enfantin
De venir dans ma chambre un peu chaque matin.
Je l'attendais ainsi qu'un rayon qu'on espère,
Elle entrait, et disait : Bonjour, mon petit père.
Prenait ma plume, ouvrait mes livres, et s'asseyait
Sur mon lit, dérangeait mes papiers, et riait,
Puis soudain s'en allait, comme un oiseau qui passe.

Alors je reprenais, la tête un peu moins lasse,
Mon œuvre interrompue, et tout en écrivant,
Parmi mes manuscrits, je rencontrais souvent
Quelque arabesque folle et qu'elle avait tracée,
Et mainte feuille blanche entre ses mains froissée,
Où, je ne sais comment, venaient mes plus doux vers.

Elle aimait Dieu, les fleurs, les astres, les prés verts,
Et c'était un esprit avant d'être une femme.
Son esprit reflétait la clarté de son âme,
Elle me consultait sur tout à tous moments.
Oh ! que de soirs d'hiver radieux et charmants,
Passés à raisonner langue, histoire et grammaire,
Mes quatre enfants groupés sur mes genoux, leur mère

Tout près, quelques amis causant au coin du feu !

J'appelais cette vie être content de peu !
Et dire qu'elle est morte ! Hélas ! que Dieu m'assiste !

Je n'étais jamais gai quand je la sentais triste ;
J'étais morne au milieu du bal le plus joyeux
Si j'avais, en partant, vu quelque ombre en ses yeux.

Jeanne au pain sec

Jeanne était au pain sec dans le cabinet noir,
Pour un crime quelconque, et, manquant au devoir,

J'allai voir la proscrite en pleine forfaiture,
Et lui glissai dans l'ombre un pot de confiture

Contraire aux lois. Tous ceux sur qui, dans ma cité,

Repose le salut de la société,
S'indignèrent, et Jeanne a dit d'une voix douce :
«— Je ne toucherai plus mon nez avec mon pouce,
Je ne me ferai plus griffer par le minet.»
Mais on s'est récrié : «— Cette enfant vous connaît ;

Elle sait à quel point vous êtes faible et lâche.
Elle vous voit toujours rire quand on se fâche.
Pas de gouvernement possible. À chaque instant

L'ordre est troublé par vous ; le pouvoir se détend ;

Plus de règle. L'enfant n'a plus rien qui l'arrête.
Vous démolissez tout. » Et j'ai baissé la tête,
Et j'ai dit : «— Je n'ai rien à répondre à cela,
J'ai tort. Oui, c'est avec ces indulgences-là
Qu'on a toujours conduit les peuples à leur perte.

Qu'on me mette au pain sec.»«-Vous le méritez, certes.

On vous y mettra.» Jeanne alors, dans son coin noir,

M'a dit tout bas, levant ses yeux si beaux à voir,
Pleins de l'autorité des douces créatures :
«— Eh bien, moi, je t'irai porter des confitures.»

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