Florence 2025 flânerie poétique
Poèmes de Charles Cros et François Coppée avec des photos de voyage à Florence
Sonnet astronomique
Alors que finissait la journée estivale,
Nous marchions, toi pendue à mon bras, moi rêvant
À ces mondes lointains dont je parle souvent.
Aussi regardais-tu chaque étoile en rivale.
Au retour, à l'endroit où la côte dévale,
Tes genoux ont fléchi sous le charme énervant
De la soirée et des senteurs qu'avait le vent.
Vénus, dans l'ouest doré, se baignait triomphale.
Puis, las d'amour, levant les yeux languissamment,
Nous avons eu tous les deux un long tressaillement
Sous la sérénité du rayon planétaire.
Sans doute, à cet instant, deux amants dans Vénus,
Arrêtés en des bois aux parfums inconnus,
Ont, entre deux baisers, regardé notre Terre.








Elle s'est endormie, un soir...
Elle s'est endormie, un soir, croisant ses bras,
Ses bras souples et blancs sur sa poitrine frêle,
Et fermant pour toujours ses yeux clairs, déjà las
De regarder ce monde, exil trop lourd pour Elle.
Elle vivait de fleurs, de rêves, d'idéal,
Âme, incarnation de la Ville éternelle.
Lentement étouffée, et d'un semblable mal,
La splendeur de Paris s'est éteinte avec Elle.
Et pendant que son corps attend pâle et glacé
La résurrection de sa beauté charnelle,
Dans ce monde où, royale et douce, Elle a passé,
Nous ne pouvons rester qu'en nous souvenant d'Elle.








La petite marchande de fleurs
Le soleil froid donnait un ton rose au grésil,
Et le ciel de novembre avait des airs d'avril,
Nous voulions profiter de la belle gelée.
Moi chaudement vêtu, toi bien emmitouflée
Sous le manteau, sous la voilette et sous les gants,
Nous franchissions, parmi les couples élégants,
La porte de la blanche et joyeuse avenue,
Quand soudain jusqu'à nous une enfant presque nue
Et livide, tenant des fleurettes en main,
Accourut, se frayant à la hâte un chemin
Entre les beaux habits et les riches toilettes,
Nous offrir un bouquet de violettes.
Elle avait deviné que nous étions heureux
Sans doute, et s'était dit : “ ils seront généreux ”.
Elle nous proposa ses fleurs d'une voix douce,
En souriant avec ce sourire qui tousse,
Et c'était monstrueux, cette enfant de sept ans
Qui mourait de l'hiver en offrant le printemps.
Ses pauvres petits doigts étaient pleins d'engelures.
Moi, je sentais le fin parfum de tes fourrures,
Je voyais ton cou rose et blanc sous la fanchon,
Et je touchais ta main chaude dans ton manchon.
Nous fîmes notre offrande, amie, et nous passâmes ;
Mais la gaîté s'était envolée, et nos âmes
Gardèrent jusqu'au soir un souvenir amer.
Mignonne, nous ferons l'aumône cet hiver.








La mort des oiseaux
Le soir, au coin du feu, j'ai pensé bien des fois
À la mort d'un oiseau, quelque part dans les bois.
Pendant les tristes jours de l'hiver monotone,
Les pauvres nids déserts, les nids qu'on abandonne,
Se balancent au vent sur un ciel gris de fer.
Oh ! comme les oiseaux doivent mourir l'hiver !
Pourtant lorsque viendra le temps des violettes,
Nous ne trouverons pas leurs délicats squelettes
Dans le gazon d'avril où nous irons courir.
Est-ce que les oiseaux se cachent pour mourir ?








Septembre au ciel léger...
Septembre au ciel léger taché de cerfs-volants
Est favorable à la flânerie à pas lents,
Par la rue, en sortant de chez la femme aimée,
Après un tendre adieu dont l'âme est parfumée.
Pour moi, je crois toujours l'aimer mieux et bien plus
Dans ce mois-ci, car c'est l'époque où je lui plus.
L'après-midi, je vais souvent la voir en fraude ;
Et, quand j'ai dû quitter la chambre étroite et chaude
Après avoir promis de bientôt revenir,
Je m'en vais devant moi, distrait. Le Souvenir
Me fait monter au cœur ses effluves heureuses ;
Et de mes vêtements et de mes mains fiévreuses
Se dégage un arôme exquis et capiteux,
Dont je suis à la fois trop fier et trop honteux
Pour en bien définir la volupté profonde,
— Quelque chose comme une odeur qui serait blonde.







